•  

    Jour de neige


    C'était un beau matin d'hiver. Le soleil traversait l'air frais comme une douceur aiguisée. Tous les gens se précipitaient à leur voiture pour rejoindre un travail quelconque à quelques kilomètres de là. A dix heures, chacun était affairé à sa tâche, assis ou debout, souriant ou concentré, mais pour la plupart, ils auraient préféré faire autre chose, être ailleurs.

    C'était un de ces temps où l'on préfère être enfermé chez soi plutôt que dans un bureau ou une usine. A cette heure-ci, rien d'autre n'existe que l'abnégation à son devoir envers la société et ceux qui jouissent effectivement de cette heure sont une quantité négligeable, des retraités, des étudiants, des chômeurs ou des fainéants.

    Le ciel se couvre doucement. La neige se met à tomber dans l'indifférence. Bien que ce soit un départ triste dans la vie, son apparition ne provoquera aucune réaction. Entre ceux qui s'en foutent et ceux qui sont contrariés, seuls quelques enfants voient l'événement avec émerveillement.


    Les repères. Tout tourne autour de ça. C'est la seule chose qui pousse encore les individus à réagir. Si l'on considère les manifestations comme la seule preuve que quelque chose est vivant, un métabolisme, une planète ou une société, on peut dire que la vie n'est qu'une expression des repères. Attention, je ne dis pas que les types introvertis ou les sociétés secrètes n'existent pas, simplement autrui, le construit philosophique en question, n'en a alors qu'une conscience intelligible limitée. Bref... Les manifestations, en tant que preuve de l'existence, sont le plus souvent réactionnaires ou renversantes. Elles apparaissent en REACTION à un bouleversement mettant en péril l'ordre existant, les repères, ou pour INVERSER un équilibre. Dans le premier cas, c'est une lutte pour défendre ses repères. Dans le deuxième cas un combat pour s'approprier une conséquence des repères donc une défense des repères, en aucun cas un bouleversement. C'est en grande partie pour ça qu'à part inventer la poudre et le fil à couper le beurre, l'humanité ne se dépassera pas. Toute l'Histoire tient là-dedans pour ceux qui ne cherchent pas trop la subtilité. Elle tient aussi dans un tas d'autres abstractions pour papillote d'ailleurs, mais l'avantage d'écrire c'est qu'on ne peut pas être coupé en plein raisonnement donc, toute l'Histoire tient là-dedans (même par les petits malins qui arrêtent de lire: ce sera toujours écrit la même chose jusqu'à l'autodafée globale de 2039).

    C'est par ces repères et leurs manifestations, donc, qu'on reconnaît l'espèce humaine civilisée comme une espèce toujours vivante. Les inventions sont chaotiques-protocolaires, les innovations instruites, la production mécanique, la consommation éduquée et la psychologie gagne tout les jours un peu de terrain sur l'imprévisibilité mystique de l'être humain. La machine homo-sapiens-bis s'auto-régule. L'Homme est un automate. MAIS...

    Quand on reprogramme les fonctions d'un automate, il ne dit rien, l'Homme, lui, vocifère. Dans la vie de tous les jours, les gens s'entourent des repères qui les définissent pour pouvoir se souvenir de ce qu'ils sont et être chez eux chez eux. Un home douillet les confortera dans leur conception d'eux-mêmes et si rien ne les réveille, ils pourront tranquillement s'endormir dans leur repaire. Pourtant une base de repères permet seule de se reconnaître en tant que telle. Si un individu acceptait d'être "reprogrammé" simplement pour les besoins de la cause, il serait toujours un individu considérant sa réalité comme normale quelle qu'elle soit parce que sa base d'analyse serait toujours celle qui permet aux repères qui la constituent d'être acceptés comme tels. Plus clairement, les repères constituant la base d'analyse et la base d'analyse définissant les repères, une modification dans l'absolu de l'un ou l'autre ne donne lieu qu'à une interprétation subjective de constance, puisque l'esprit ne peut que concevoir comme normal ce qui est la conséquence de ce qu'il est, et donc ne pas concevoir une quelconque modification objective de sa propre relativité.


    Deuxième point: la facilité est la plus dure des drogues, il suffit d'y goûter une fois pour n'en revenir qu'au prix d'efforts exténuants. Pour pouvoir la savourer, s'en shooter jusqu'à l'overdose, chacun se donne au labeur et construit le nid dans lequel la vie ne le contredira pas. C'est donc bien normal que quelle que soit la situation, ce "chacun" déploie une énergie divine pour rejoindre son tas de merde.

    Pourtant, si on regarde bien, tout le monde a plus ou moins les mêmes critères de confort : télévision, chauffage, nourriture dans un frigidaire, etc. A quelques décorations près, une maison, c'est une maison. Et à quelques détails près, une famille, c'est une famille. On mange, on dort, on parle sans s'écouter et quand on s'écoute, c'est pour se répondre des phrases plus ou moins toutes faîtes quand ce ne sont pas des proverbes à l'emporte-pièce. Les vrais repères, on les trouve dans la schizophrénie que chacun met en place. Pour le spectacle de la vie sociale, l'intelligentsia impose sa norme de réflexion à ceux qui réfléchissent à l'émancipation de la pensée et la variété fournit aux autres des sujets de conversation. Mais on à l'impression que deux mondes se partagent l'espace-temps : le monde qu'on connaît et le monde qu'on ne connaît pas.

    Il est dix-sept heures et tout le monde rentre chez lui. Veut rentrer chez lui. Il est tombé un mètre de neige et les automobilistes s'entassent les uns à la suite des autres pour rejoindre une artère plus grosse encore plus saturée.

    Arrivés chez eux, entre deux et quatre heures plus tard, ils parleront tous de la neige et des embouteillages. Qu'on ne me dise pas qu'on ne peut pas parler de ça avec n'importe qui. Sachant qu'il y a presque autant de gens qui partent de quelque part pour travailler ailleurs que de gens qui habitent ailleurs et travaillent quelque part, on peut se dire que pour une fois dans l'année, si on oubliait ses repères, on irait dormir dans la première maison venue et je pourrais rentrer chez moi sans m'emmerder dans ces putains d'embouteillages.


    votre commentaire
  •  

    Coquillages


    I


    Je suis dans une branche un peu kitsch de la confiserie, créateur de fruits de mer en chocolat belge. Allez savoir pourquoi, cette année, le homard orange a eu beaucoup de succès. Au téléphone, le banquier sourit avec un air complaisant. Pour la première fois depuis des mois, il y a de l'argent positif sur mon compte. Toute sa voix exprime les vacances, au moins les miennes. C'est un type génial.


    Un bus décoré avec des gros palmiers emmène la vingtaine d'estivants vers d'ensoleillés rivages. Il y a le vieux Bob, un ancien militaire bourru en chemise à fleurs. Il parle fort pour que tout le monde l'entende et tout ce qu'il dit prend des allures de vérité. Son collègue le charrie et ça l'énerve. Il y a aussi Carmen, la conductrice du car. En photo, elle serait plutôt féminine mais sa façon de bouger est vraiment trop musculaire. Plus que les suspensions ou la carrosserie, c'est elle qui donne sa stabilité à l'engin et grâce à elle, tous les autres peuvent se réjouir dans l'insouciance. Marlène et Simon notamment, qui rient comme des bécasses. Juste avant de partir, ils s'amusaient avec le groupe d'adolescents luisants de sébum qui font les blasés au fond du car. Au lycée, ceux-là diront à leurs potes "on est allé à la mer, c'était naze... putain les nazes, vous allez à la mer avec vos parents, grandissez un peu les nazes, c'est naze", ce genre de choses.

    Pendant ce temps, mon voisin arbore une figure maussade. "Bonjour", "...".

    L'équipée sort de l'autoroute pour rejoindre les voies tortueuses du bord de mer. Adeline est un peu malade, elle s'accroche à Paul, l'homme de la situation. Dans ses moments d'égarement, elle aime Paul encore davantage parce qu'il sait être là, viril et rassurant. Lui regarde par la fenêtre, un bras autour des épaules de sa compagne, concentré pour être viril et rassurant mais depuis son accident de la route, il a du mal a contenir son émotion quand un véhicule zigzague au bord de la falaise. Pour détendre un peu l'atmosphère, j'esquisse un sourire complice au type assis à côté de moi, en espérant qu'on partage l'angoisse du moment. Rien...

    Carmen freine un peu brutalement ce qui provoque une vague d'inspirations bruyantes dans l'assistance. Ca rappelle à Bob des trajets en bus sur des routes tortueuses quand il était militaire, dans la réserve.

    Le soleil se couche progressivement sur les criques rocheuses. Gaby, une des ados, enlève son baladeur pour regarder. Dans son cerveau, un nuage de mots se condense, elle dit "c'est cooool", son copain lève la tête, enlève un écouteur et lui dit "quoi?", "rien" répond-elle en se renfrognant de nouveau. Ca me rappelle qu'à cette époque l'année dernière, Sandra jetait mes affaires par la fenêtre. Comme tous les couples, on s'est aimé tendrement et puis, peu à peu, toutes nos conversations sont devenues comme celles-ci. "Ca te dirait de...", "Quoi?", "Rien". Et toujours l'autre à côté qui fait la gueule... Quitte à ce que le mec tire la tronche autant que ce soit pour quelque chose, je profite des virages pour lui mettre deux ou trois coups de coude dans les côtes. Rien! il ne dit toujours rien cet énergumène! C'est dommage que tout ait fini comme ça avec Sandra mais il faut croire que les gens qui ne comprennent plus ce qu'ils sont terminent leurs discussions par "Quoi?","Rien", à quinze ans comme à quarante.


    Il fait presque nuit et l'équipée file toujours à bonne allure. Quelques-uns commencent à s'assoupir, Carmen reste vigilante pour que les autres puissent dormir tranquilles. De ce qu'elle fait dépend la vie d'une vingtaine de personnes. Elle s'accroche à ça depuis qu'elle a perdu la garde de ses enfants. Notre courageuse Carmen a été vexée par une injonction du militaire et Jeannot, le vieil ami de Bob, essaie de la réconforter. Il lui raconte que le vieux bougon qui semble donner des ordres et faire la loi martiale est veuf depuis quatre ans. Depuis lors, il essaie de cacher son chagrin derrière un personnage autoritaire, mais au fond, il est inconsolable. Il n'a sûrement pas voulu la blesser.


    J'ouvre les yeux sur un parking, le cou désarticulé après un sommeil léthargique. Carmen fume une cigarette en faisant les cent pas. Elle essaie de téléphoner à quelqu'un et semble nerveuse. D'ici, on entend tout juste le beat qui sort du baladeur de Jon. Gaby appuie sa tête sur son épaule, un petit sourire au coin des lèvres. Elle est enfin près de lui, joue contre veste sale, et ce grand nigaud se réveillera sans rien avoir remarqué. "T'as bien dormi, Jon?", "Bof".


    Plus que quelques heures et nous arrivons dans un village-vacance standard, fait pour que tout le monde puisse se décharger de ses responsabilités et passer de bonnes vacances. Sandra détestait les villages-vacances. Moi, j'aimais Sandra. Pas la peine d'en dire plus. C'est un peu ce genre de chose qui nous a perdu, on fait des concessions en croyant bien faire alors qu'on se prive de plaisirs personnels qui entretiennent le bonheur ensemble. Quand elle est partie, je me suis mis à essayer d'expliquer tout ce qui n'allait pas, chez tout le monde, mais je sais que j'ai peur de me remettre en question. Regarder, comprendre même, est plus facile que vivre. On préfère souvent mettre le monde sens dessus-dessous plutôt que de se regarder dans la glace. J'espère que Carmen arrivera à parler à ses gamins.


    En entrant de nouveau dans le bus pour récupérer mes affaires, je trébuche sur un sac posé en travers de l'allée centrale et de justesse, me rattrape au dossier d'un siège. C'est alors que, surprise, le gros con qui était assis à côté de moi et qui lambinait encore dans le bus se met à éclater d'un rire gras. Ben voilà! Suffisait de se casser la gueule pour qu'il émerge! C'est marrant ça, hein!? Dix heures qu'il fait le demeuré et le voilà qui conclut en se foutant de moi. Ca suffit! Mieux vaut que je m'isole sinon je vais agresser quelqu'un.


    II


    Le vent de la marée est agréable à respirer. Les termes sont usés, mais je "flâne sur la grève". Quel plaisir de humer ainsi l'air marin sans penser à rien d'autre qu'à sa solitude tranquille. Le sable est parsemé de galets polis par le sable et qui deviendront du sable. La plage en fait, c'est vite résumé, à plus ou moins long terme, tout est du sable. Et si on est dehors pour le voir, c'est qu'il fait beau, le ciel et la mer s'embrassent sur l'horizon comme des amants délicats. Se promener au soleil est tellement agréable que sitôt évoqué, le reste devient triste. Le soleil darde ses rayons, le ciel est lourd d'orage, l'écume caresse les ruines d'un château d'enfant, etc. Tout le monde connaît...

    Un gosse fait des pâtés sur le sable. Des pâtés de souvenirs que la mer adoucit et emporte lentement. Il a le regard des esprits vagabonds. Sa mère l'appelle, il se retourne et la rejoint en courant. C'est beau, mon Dieu. Si je ne craignais pas d'être surpris, je resterais à genoux en contemplation.

    Si ça se trouve, à dix-sept ans, ce mioche tapera sur son meilleur ami pour ne pas lui laisser voir qu'il est gay. Qu'il profite de faire ses pâtés de sable fin pendant qu'il est mignon, quand sa plage de rêve sera pleine de poubelles et qu'il fera des pâtés avec ses ordures, il pourra toujours y repenser.


    Sandra n'est pas là, je m'ennuie. L'écume vient lécher mes orteils alors que je marque chaque pas dans l'histoire éphémère du sable mouillé. En suivant la plage jusque dans l'océan, on pourrait atteindre les profondeurs abyssales et glacées qui rappellent à l'Homme qu'il n'a rien à faire plus loin que ses possibilités.

    Une vague dépose à mes pieds une petite forme brillante. Je me penche plus près du sol. C'est un coquillage. Un joli coquillage un peu imparfait, cabossé mais si on s'y attarde un peu, on remarque que ce coquillage est extraordinairement complexe. Si on connaissait son histoire, on pourrait comprendre chaque imperfection et en faire un détail qui le rend unique.

    Je décide d'en chercher un autre, les yeux baissés sur le sable. Un autre coquillage... Bientôt mes espoirs sont comblés, une grosse palourde égarée gît sur ce champs de bataille entre ciel et mer attendant d'être récupérée par sa compagnie. C'est un coquillage. A mieux y regarder, il y en a même plusieurs. Des ronds, des longs, des roses oniriques et des indécis. On les connaît tous sous le même nom de coquillages, mais aucun d'eux n'est identique. A force de fréquenter les moules de mes confiseries, je l'avais oublié...

    Le monde offre une diversité étourdissante. Sitôt qu'on apprend à la reconnaître, à se laisser envahir par sa beauté, la vie s'infiltre par tous les sens. Chaque spécimen est particulier, original, de par les éléments qui l'ont aidé à se construire, les remous qui l'ont emporté et les récifs auxquels il s'est attaché.

    Je suis face à la beauté du monde et je n'ai plus qu'une envie, aller plus loin encore. Découvrir ce qu'il y a sous cette magie subtile. Un peu mal à l'aise, je me saisis de mon couteau et le plante dans l'interstice du coquillage qui asphyxie déjà. Le bras de levier fait céder l'animal en quelques secondes. C'est un meurtre par curiosité, et la longue prise de conscience de l'humanité m'empêche de le perpétrer avec candeur. Quelques millénaires plus tôt, j'aurais juste ouvert ce « caillou » sans autre question que celle de voir ce qu'il y a dedans.

    Mais l'appétit de savoir est plus fort que la culpabilité. Le second coquillage est plus difficile à ouvrir, il faut gratter lentement les rebords pour enfin glisser la lame. Là encore, il ne s'ouvre pas et je dois faire coulisser le tranchant tout le long de l'animal pour sectionner le muscle qui le maintient fermé. Et de fil en aiguille, l'après-midi passe, j'ouvre des coquillages.

    C'est un peu fastidieux, certains sont plus difficiles à ouvrir mais à force de patience, ils se livrent tous, d'une manière ou d'une autre. Mes doigts écorchés par la nacre brûlent sous les attaques salées de l'écume mais je les ouvre toujours, avec frénésie, y trouvant même un plaisir sadique.


    III


    A la fin de la journée, je suis assis au centre d'un cimetière. Quelque chose s'est passé cet après-midi. J'ai cédé à une soif maladive de profondeur, j'ai voulu aller toujours plus loin, jusqu'à violer la vie, et elle s'est laissée faire. Elle ne s'en plaindra pas. Comme toujours, elle effacera les traces de cette humiliation et laissera l'Homme seul face son crime.

    Pas de réserve, pas d'exception. Mes étonnements premiers sont anéantis par ce champs d'évidence. Les magiciens le savent, mieux vaut s'émerveiller du spectacle qu'en chercher les ficelles... Croulant sous les sédiments, je constate avec dépit que sous la coquille, il y a toujours une sorte de morve.


    votre commentaire
  •  

    Justice


    ...douce comme le vent du désert... drapée de son silence et de... et de sa virginité, ...non! drapée de sa... dignité, c'est drapée de son silence et de sa dignité, la femme du nomade est belle comme une fleur des sables... non, c'est trop pesant... pas assez chaud et oasien... il faudrait décrire avec le silence... qu'est-ce qu'elle m'inspire? Elle me subjugue, elle m'envoûte... légère comme le voile... non, la gandoura, ce n'est pas une bourca... l'exact opposé de ce que je voudrais, c'est "égyptienne" comme Cléopâtre pouvait l'être, enfin à ce qu'on en dit : voluptueuse, féline, un prédatrice qui chasse par jeu. Cette femme du désert, elle est... elle est... ma... majestueuse, oui majestueuse... et en même temps silencieuse, et impériale, mais presque immatérielle et solide comme le roc. Avec quels mots je pourrais exprimer ça...

    - Allume la mèche!

    ...la femme du désert dans sa robe de silence possède ensemble la majesté de l'Atlas et la fierté du vent, ...bof...

    - Elle dure combien de temps?

    - Je sais pas mais grouille-toi, on va le rater!

    ... la femme du désert dans sa robe... MERDE! C'est pas en m'arrêtant sur tous les mots que je vais le sortir ce recueil, et puis maintenant la majesté, je suis trop énervé pour...

    PAN!

    -SALOPARDS!


    Juste le temps d'une injure, et le poète chancelle. Il aperçoit quatre personnes mal cachées derrière les buissons.

    - HE! hurla le poète.

    - Tu vas nous faire quoi? répond l'un d'eux, provoquant.

    - Si t'es si sûr de toi, approche un peu.

    - On y va? Ptêt' que quand on l'aura démonté, il arrêtera de jouer le zorro.

    Ils se rapprochent.

    - Vous avez vos couilles en bandoulière! A quatre sur un mec qui vacille! Qui est celui qui a allumé la mèche, je m'occupe de lui en premier...

    - C'est moi. Pourquoi tu cherches les embrouilles comme ça, pédé?


    Le poète est hors de lui, il s'apprête à bondir sur l'allumeur ignorant ses trois collègues. L'allumeur en question attaque pourtant le premier d'un direct du droit. Le poète esquive à gauche, tire sur l'avant-bras de son adversaire vers l'avant et se place dans son dos. Il passe par dessus la tête de l'artificier et coince sa jugulaire dans le "V" de son bras qui se referme doucement pour l'étrangler. L'autre se débat, se jette sur le dos et écrase le poète de tout son poids mais il tient bon. Sans réfléchir, ou plutôt sans avoir besoin de réfléchir, le poète tend la bouche toutes dents dehors et arrache un morceau sanguinolent de l'oreille de son agresseur qui hurle de douleur. Les autres en restent pétrifiés. Le bouffon est un dément! Mais l'allumeur n'a bientôt plus assez d'air pour crier et s'évanouit à moitié.

    Alors le poète se relève maladroitement, enlève le sable de ses égratignures, regarde les autres toujours figés de stupeur et sort l'oreille de sa bouche. Les filets d'un mélange de salive et de toxines pulmonaires visqueuses rompent un à un et gouttent le long des cartilages.

    - Si vous partez maintenant avec votre ami, un médecin pourra recoudre son oreille.

    Le poète jette le morceau d'humain sur le corps ébranlé du pétaradeur et prend ses jambes à son cou.



    II


    Quelques jours plus tard, deux policiers frappent à sa porte, ils brandissent fermement un mandat d'amenée à son nom.

    - Vous êtes bien Mr S?

    - C'est moi.

    - Veuillez nous suivre sans résistance, sinon nous serions obligés de faire usage de la force.

    - Je vous suis, inutile de s'énerver...

    - Vous n'êtes pas en mesure de donner des conseils.

    - ...



    III


    ...un type avec une pochette rouge, une fille pressée sur un vélo et un tombeur dans une voiture banale, un juriste médiocre, un curieux, un borné, un rêveur et un homme vide... une elliptique, un simplet grunge, une fille méfiante adorable, un chauve patient, un couple forcé et un ami fade... soit elle s'ennuie profondément, soit elle a des escarpins trop étroits...

    ...un étrange ordinaire qui lave sa chaussure dans les flaques, une nombriliste dépressive, une vieille nostalgique qui flotte sans déplacer son corps... un chien noir... et la plupart des gens qui pensent sans penser, ils profitent du soleil d'hiver et de son reflet sur l'eau de la Saône... au bout d'un moment, on retrouve les mêmes personnes seules qui rêvassent... les autres semblent un peu plus à l'intérieur, ils vont toujours bien avec leurs vêtements...

    - Entrez dans le hall, s'il vous plaît.

    ...la moue d'étourdie et la coupe négligée, les imperméables et les grands airs, les bas blancs et les varices... ah, une péruvienne magnifique est assise juste derrière... elle serre les genoux pour ne pas trop ouvrir sa jupe pendant qu'elle lit... à part elle, personne n'a l'air dans son assiette, ou peut-être qu'elle est simplement trop jolie pour avoir l'air d'autre chose...

    - Monsieur! Ce n'est pas le moment de rêvasser. Entrez maintenant, je vous prie, c'est à vous!

    ...une adolescente déguisée en prostituée se déhanche. La marche en talons étire les muscles qui sont derrière ses genoux... un type qui regarde et une dame revêche, construite avec des logiques, qui n'existe pas non plus... C'est mon tour...


    IV


    - Mr S? Levez-vous. Vous n'avez pas d'avocat?

    - Non.

    - Vous savez les faits qui vous sont reprochés?

    - J'en ai une petite idée...

    - "Une petite idée"? C'est un peu léger pour une agression caractérisée!!!

    - Contre qui?

    - Ce monsieur... Appelez le plaignant! A sa demande, le plaignant à tenu à être présent ainsi que trois témoins de la scène, Mr P, Mr V et Mr C.

    -Bonjour.

    -Votre Honneur...

    - Mr S compte tenu des faits qui vous sont reprochés vous êtes décidé à ne pas prendre d'avocat? La cour peut vous en commettre un d'office...

    • Vous ne l'écouterez pas, autant lui laisser sa journée.

    • Pardon!?

    • Lors des quelques comparutions auxquelles j'ai assisté, la cour baillait aux corneilles pendant la plaidoirie.

    - Quoi???

    - Dîtes moi que ce ne sera pas le cas...

    - Ce n'est pas le procès du tribunal, mais le vôtre Mr S!

    - Et le procès du tribunal est prévu pour quand? Je demanderais une permission pour me porter partie civile.

    - Votre cynisme est déplacé!

    - Pas plus que vos rappels à l'ordre... Donnez-moi dix mois tout de suite, plus vite je commence, plus vite je serais sorti.

    - Taisez-vous! Ce que vous avez fait...

    - Ne jouez pas les paternalistes! Vous allez me dire que ce que j'ai fait c'est "caca", m'envoyer en cellule et dire la même chose au suivant : autant faciliter le transit judiciaire, vous ne croyez pas, en plus ce serait une forme de franchise? On devrait même me donner une promotion pour cette idée. Je me verrais bien "mouchard" ou "bibliothécaire"...

    - Taisez-vous!

    - ...

    - Bon, si vous êtes calmé, revenons au procès qui nous occupe : pourquoi vous êtes vous jeté sur Mr D, d'une part, et pourquoi diable lui avoir arraché l'oreille?? Avez-vous seulement conscience de ce que vous avez fait?

    - Oui, et c'était la meilleure solution dans cette circonstance.

    - Vous êtes convaincu de ce que vous dîtes?

    - C'était la seule façon de partir entier après avoir fait comprendre à ce type que je n'appréciais pas ses loisirs. La vraie question est "êtes-vous convaincu de cerner le problème, derrière votre estrade?

    - Passons... Vous n'avez pourtant pas les occupations d'une personne brutale. Pourquoi ces agissements barbares?

    - Pour une fois, je n'ai pas voulu baisser la tête.

    - Est-ce une raison pour massacrer vos concitoyens?

    - Ah oui, c'est vrai! J'aurais dû me laisser faire et claudiquer le plus vite possible dans une cabine pour porter plainte en espérant que mes oreilles arrêtent de siffler, attendre qu'on me réponde parce que la partie de carte n'est pas finie, qu'on prenne peut-être ma déposition et qu'on sorte le fourgon pour aller chercher des bières pendant que ces quatre connards balancent fièrement des dynamites dans les landaus!?

    - Vous auriez dû en effet!

    - Et j'aurais aussi dû leur prêter mon cul pour frotter les allumettes?

    - Vous dépassez les bornes Mr S!

    - Vos bornes!

    - Définies par des siècles de délibérations, alors veuillez vous y tenir!

    - Vos paperasses, c'est facile de s'y tenir ici.

    - Apparemment pas! Silence!

    - A vos ordres!...

    - SI-LENCE!!!

    - ...

    - Bon, maintenant que...

    - ... quand on vous ennuie, vous récitez des alinéas?

    - Mr S, je vais devoir vous demander de revenir ultérieurement...

    - A part vous et vos devoirs, vous ne voyez pas grand chose pas vrai!?

    - Vous êtes à deux doigts de l'outrage à la cour!

    - Et vous de l'outrage à l'innocence, au droit d'être libre de lever la tête.

    - Votre innocence est toujours présumée tant que le verdict ne sera pas tombé, je vous l'assure.

    - Mais c'est moi qui ai été agressé!

    - Pour ne pas jouer votre crédibilité, vous auriez dû porter plainte, je vous l'ai déjà dit. Personne n'est là pour coroborer votre version des faits.

    - Quel est le bruit d'un arbre qui tombe?

    - Pardon?

    - "Quel est le bruit d'un arbre qui tombe dans la forêt?": si personne n'est là pour l'entendre, l'arbre fait-il un bruit?

    - ...

    - ...

    • Continuons!

    • Quand on a essuyé les affronts gentiment, fermement et qu'on s'est fait rire au nez, une fois encore, quand tous les jours respecter les règles devient une frustration face à l'impunité ambiante, il n'y a plus qu'une réaction possible!

    • Réagir comme un sauvage!?

    • Ne pas faire usage de la force n'est pas une preuve d'intelligence!

    • On lui a recousu l'oreille, monsieur S! J'ai peur que votre sens des limites ne soit plus guère compatible avec notre société civilisée...

    • Je ne suis pas responsable des conséquences d'une réaction de défense!

    • Pas compris votre histoire...

    • Je ne vais pas regretter d'avoir réagi violemment! L'Etat ne pourra jamais régler les troubles sans sa population. En me condamnant vous stigmatisez une fois de plus l'initiative citoyenne, vous rendez le peuple amorphe et irresponsable!

    • « Vous », « vous »! Vos accusations sont un peu caricaturales... Et puis je ne suis pas « l'Etat »!

    • Vous êtes sa réalité!

    • Son application!

    • Donc si je résume bien, chacun est libre d'humilier qui bon lui semble sans que l'autre ne réagisse?

    • Ne jouez pas les martyrs, par pitié!

    • Je ne joue pas les martyrs, mais le fait est qu'une poignée de... disons «sauvageons», se croient au-dessus de tout. L'esprit ne peut s'empêcher de faire des amalgames et quand quelques imbéciles se permettent n'importe quoi, c'est tout une communauté qui est montrée du doigt!

    - Arrêtez de déballer vos grands principes pour défendre votre inconsistance! Des lois sont faites pour ça aussi et si les procédures sont longues, c'est parce que la justice tente comme son nom l'indique d'être juste! Après l'instruction civique, passons au procès, voulez-vous?

    - LENTE? Il s'est passé 25 minutes de mon entrée dans la salle à ma comparution...

    - A laquelle vous êtes toujours, d'ailleurs!

    - ... et vous avez distribué 13 mois de prison à 3 personnes. Je ne suis pas très fort en calcul, mais ça fait du 30 mois à l'heure pour 6 personnes. Si vous êtes aux 35 heures, ce qui serait ridiculement peu, ça fait 1000 mois de prison pour 200 personnes, en un an ça fait 47000 mois de prison pour 10000 personnes!! Ca fait 4000 ans de prison à répartir dans une petite ville!!!

    - Vous calculez vite mais 10000 personnes en un an boivent cinq millions et demi de litres d'eau et gagnent au minimum 10 milliards d'euros...

    - Ca n'a rien à voir!

    - C'est vous qui le dîtes. Enfin, comme vous avez raison, je vais être obligé d'abréger cette petite discussion parce que 20 personnes attendent encore derrière vous. Vos idées sont très intéressantes mais on ne va pas changer le système ici en quelques minutes, si vous voulez changer les choses devenez député ou ministre. Violence sur un tiers et séquelle non rémissible... Si vous n'avez rien à faire cet après-midi, vous irez me peaufiner ce petit projet, vous avez deux ans. AFFAIRE SUIVANTE et un verre d'eau, s'il vous plaît.

    Prison


    La peine de mort c'est dégueulasse, c'est vrai, des gens se sont battus... mais voilà cinq ans que je tourne en rond dans cette cellule. Mes compagnons de chambre sont des repris de justice, de quoi donner confiance quand on s'endort. L'un est un assassin, l'autre un violeur. Le trio morbide. Moi, on m'appelle « le cannibale », parce que j'ai évité un problème en déchirant l'oreille d'un mec avec les dents...

    Au début, j'étais parti pour deux ans, mais en entrant, j'ai compris que ça ne voulait pas dire grand chose. Ici, ça ne correspond à rien. J'ai essayé d'être le plus gentil possible au début, mais il y a tant de haine, tant d'incertitude ici, que l'humanité est vite passée à tabac, par "prévention"... alors j'ai dû me faire respecter pour protéger mon mètre carré d'espace vital; ou plutôt me faire craindre, comme un condensé de tout ce que j'essayais de combattre dehors, mais c'est ça ou servir de défouloir. Ceux qui croient qu'on règle un problème avec des mots trouvent vite du sang sur leurs mouchoir et leur PQ. Les mots ne résolvent jamais que ce qui est réglé, un malentendu tout au plus mais jamais une peur primale. Les paroles s'envolent, les écrits brûlent, ici rien ne reste que les cicatrices imprimées dans la rationalité de la chair.

    Même avec ceux dont on se lie d'amitié, il y a toujours une rivalité, ce combat de coq dans le moindre regard et en fait cette peur d'être surpris dans un moment de faiblesse. A part les demeurés profonds, même ceux qui se sont convaincus d'être des vrais truands sont largués. C'est une cours d'école, des enfants qui jouent les durs jusqu'au meurtre parce que personne n'a su les rassurer, leur donner confiance en quelque chose.

    Au premier type que j'ai démoli, je me suis retrouvé du même coup tranquille et seul. Et je suis resté là à regarder ma peine grandir au gré des procédures et des téméraires qui aiment se battre, simplement pour ne pas devenir une serpillère. Avant d'entrer ici, je me serais trouvé ridicule mais en vérité, il ne reste que ça, alors je le défends quoi qu'il en coûte. Je ne peux pas me résoudre à tout laisser passer pour un futur dont je ne sais rien. Mon présent, c'est ici et ces compagnons de bagne qui ne respectent que la force ou la folie.


    Cinq ans que je suis là. J'en suis venu à regretter cette routine qui pèse au gens du dehors. Dehors, la routine est une base, un support solide qui permet de se promener en ayant toujours une attache. Elle évolue lentement et se ravive parfois, si on sait profiter de ces petits riens, de ces petits plaisirs... un bon café, des draps propres, se raser en rêvassant... Ici, la mémoire perd chaque jour un petit détail jusqu'à n'être plus que la vision sordide de ce clapier puant.

    On dit que la vie de couple est toujours possible, que c'est toujours mieux que rien. Peut-être... Ma compagne venait me rendre visite, mais chaque mot, chaque regard me renvoyait ici. Tout ce que je voyais d'elle, c'est ce que je n'aurais plus, son odeur aigre-douce après l'amour, ses sourires impatients quand elle était pressée et sa voix endormie qui me disait bonjour le matin, avant qu'elle ne se réveille. Tout ça, je ne l'aurais plus, plus de quotidien, rien d'autre que ce regard navré, ces phrases pleines d'espoir et ces yeux qui mentent mal. Pire encore qu'être arrivé là sans raison, c'est l'espoir qui s'amenuise, que l'on sent filer entre ses doigts à chaque instant. Je lui ai dit de ne pas revenir.


    C'est l'été, il fait trente cinq degré dans cette pièce trop petite et pas une fenêtre pour ventiler. Je ne sais plus combien de temps il me reste mais ça n'a pas d'importance. Le présent s'étire, s'étire si loin qu'il se fige. Dix ans ou dix siècles seraient les mêmes. Plus rien du dehors ne me manque et je n'ai rien à faire pour entretenir cet équilibre.

    La seule rupture, je l'aurai un jour, en sortant. Mes parents seront vieux, ma compagne remariée. Le monde qui tout à coup se révèlera identique et nouveau, si rapide. Dans la vie d'un Homme, cinq ans, c'est déjà beaucoup, alors dix, vingt... Ma barbe aura pu pousser, mes cheveux auront pu blanchir. Peu importe. Au bout de quelques temps, la seule cellule dont on soit prisonnier, c'est cette putain de boite cranienne. On a tant de temps pour se comprendre que plus rien n'existe, tant de temps pour les mêmes choses qu'on se sent comme un vynil rayé qui répète inlassablement la même phrase de saxophone qui n'a plus aucun sens...


    Une fois libre, on a tout à rattraper; le temps, les lois, les gens, plus rien n'a plus d'emprise. Il y a trop de directions possibles, on ne sait pas laquelle choisir alors on se met à courir après sa vie, n'importe où, en essayant d'oublier. Le monde extérieur n'a jamais si bien porté son nom. On n'est ni plus en vie, ni plus mort que le jour précédent, simplement enfermé, perdu, déphasé. Une dernière bribe de lucidité, je sais que je n'aurais pas la force de repartir de zéro, c'est déjà si dur quand on a tout... je serais marqué du sceau de la justice à vie parce que les lois s'abattent comme des guillotines... je suis trop faible pour tout réapprendre, trop en retard pour rattraper ma joie de vivre et je ne veux pas être ça... Je ne veux pas être une larve qu'on regarde de travers et dont on se méfie, une merde désabusée qui survit par habitude. Il n'y a plus qu'une idée qui m'entête, plus qu'un souhait de salut et de dignité, qu'on m'abatte...

    Droit


    Monsieur le Futur Président,

    Concernant votre programme de "transparence" vis-à-vis des électeurs, je vous fais parvenir cette révision de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen corrigée en fonction des réalités effectives. Il me semble que certains articles y perdent de leur formalisme, peut-être serait-il bon de revoir vos exigences...


    Art 1 : Les Hommes naissent égaux à eux-mêmes. Les distinctions sociales ne peuvent être basées que sur des différences sociales.


    Art 2 : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme politique. Ces droits sont la liberté, la multipropriété à mensualités attractives, l'impmunité diplomatique.


    Art 3 : Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans l'accord mutuel entre l'Etat souverain et le peuple de sa nation, blablabla. Nul corps, nul individu à titre interpersonnel ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément par le truchement convexe des articles 9, 12, 56 et 88 alinéa 7 du Code de Redéfinition des Alinéas des Articles 28a et 28b du Code des Prescriptions Alinéatoires du décret du mardi 11 mars 1849, entre autres.

    Art 3 bis: Nul n'est censé ignorer la loi et la loi est censée ignorer les nuls.


    Art 4 : La liberté consiste à pouvoir faire ce qu'on veut si on peut payer des avocats-vedettes. Ainsi l'exercice des droits naturels de chaque Homme n'a de bornes que celles qu'il s'assure.


    Art 5 : Tout ce qui est défendu par la loi peut tout de même être obtenu, mais il faut demander poliment.


    Art 6 : Tous les individus n'étant pas tellement égaux aux yeux de la loi, sont admissibles à toute dignité, place, emploi public selon leur fortune personnelle, ou leur annuaire téléphonique

    Art 6 bis: Tout individu pourra faire évoluer son intégration sociale si les jours d'ouverture des bureaux ne coincide pas avec ses heures de travail.


    Art 7 : Tout Homme peut être arrêté arbitrairement par les représentants de la loi s'il est jeune, black ou beur, mal coiffé ou s'il a une vilaine voiture.


    Art 8 : Tout Homme interpellé au hasard par des agents assermentés peut se voir administrer une contravention de contrariété dont il devra s'acquitter avec le sourire sous peine de majoration.


    Art 9 : Tout Homme sera sûrement présumé innocent par l'opinion publique si il y a France/Brésil sur la une.

    Art 9 bis : Tout Homme sera présumé absent au bout de 3 sonneries.


    Art 10 : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leurs manifestations ne troublent pas l'ordre public, sauf les francs-maçons, les nihilistes, les catholiques, les écologistes, les juifs, les anarchistes, les marxistes, les moralistes, les autres.


    Art 11 : La libre expression est un droit des plus précieux : chaque Homme peut parler et imprimer librement ses opinions tant qu'elles ne troublent pas la morale puritaine ou l'exercice du pouvoir. Tout contrevenant s'expose à des poursuites gagnées d'avance.


    Art 12 : La garantie des droits de l'Homme nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l'avantage de ceux à qui elle est confiée pour jouer les beaux dans la rue.


    Art 13 : Pour l'entretien de la force publique et des maîtresses de l'Elysée, une contribution commune est indispensable, elle doit être répartie en fonction du lien de parenté avec ceux qui établissent son montant.


    Art 14 : Les citoyens ont le droit de constater que l'Etat devrait faire quelque chose du moment qu'ils le disent entre eux sans faire chier le monde. Et l'Etat, de son côté, a le droit de ne pas en tenir compte, sauf quand il peut se réapproprier la cause avant les élections.


    Art 15 : La société a le droit de demander des comptes à tout agent public de son administration, mais prévient un peu avant quand même qu'on s'organise.


    Art 16 : Toute société peut invoquer la balance commerciale, le déficit budgétaire et l'inflation pour que personne ne comprenne pourquoi les impôts augmentent.


    Art 17 : Champagne pour tout le monde.


    votre commentaire
  •  

    Le Dernier Psychologue


    - Vous savez, docteur, j'ai des envies de meurtres. J'ai eu des pulsions incontrôlables contre un type que je ne connaissais même pas, il m'a juste coupé la route hier matin et je l'aurai presque étranglé à main nues s'il n'y avait pas eu du monde autour! J'ai l'impression de perdre complétement mon sang froid... Mais s'il n'y avait que ça... J'ai honte de vous le dire. Mais vous êtes là pour ça, non?

    - Allez-y. Tout ce qui est dit ici restera entre nous.

    - Je... je fantasme sur les amies de ma fille de dix-neuf-ans, c'est immoral, je le sais bien, mais elles sont si... vous savez quoi?

    - Si jeunes?

    - C'est ça! Et quand je regarde ma femme à côté... Non, je sais que c'est mal de penser ça mais ma femme ne me fait plus très envie, mais je ne peux quand même pas passer le cap de la quitter pour vivre avec une gamine! Avec elle, on ne se parle plus, on passe notre temps à se faire des reproches, j'ai l'impression qu'on ne peut plus se parler autrement, et pire, qu'on y prend une sorte de plaisir!

    - Ah?

    - Et je fais des choses sans plus savoir pourquoi, je ne pense plus à rien. Je me suis réveillé l'autre jour et je me suis rendu compte que je détestais mes meubles, mes vêtements et toutes ces saloperies qu'il y a dans le frigo! Ca arrive sans prévenir, je me dis que tout doit changer, que je vais aller courir tous les matins et puis je m'assois devant la télé tout le week-end comme un zombie, sans voir personne, avant de retourner travailler lundi matin. Et je ronfle, je dors moins qu'avant, je mange plus... Je suis en train de dev...

    - Ecoutez, je n'ai pas beaucoup de temps à vous consacrer, si vous en veniez tout de suite à ce qui vous ammène?


    votre commentaire
  •  

    Mon fiston chéri,


    Si les trois premiers mots t'énervent, c'est que tu es prêt à grandir tout seul. Cherche où tu veux, cherche ce que tu veux, je viendrai toujours te récupérer en cellule ou à l'hôpital, par contre si tu me cherches, c'est moi qui t'y enverrai. Il y a cinquante millions d'inconnus qui n'attendent qu'un prétexte pour faire la gueule ou se battre avec le premier venu alors ne gâche pas notre relation pour des essais, fais-toi la main avec eux et de ton mieux, parce que si c'est pour bâcler, autant t'abstenir!

    J'aimerais pouvoir t'apprendre ce dont tu auras besoin, mais pour être honnête, je crois que je n'en sais rien. Si tu as des questions, des soucis, j'essaierai toujours de t'éviter l'irréparable, mais la plupart des murs, tu les enfonceras tout seul, ce serait trop bête que tu deviennes une de ces lopettes qui récitent leurs leçons pour faire plaisir au maître quel qu'il soit. Comme ça, si un jour tu te demandes ce que tu fous là où tu es, tu sauras au moins par où tu es venu.


    Bonne chance, fils. A plus tard.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique