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    Extrait du discours du candidat

    Bernard VOUS...


    "... Ce que je vous propose, mes chers concitoyens, c'est de mettre fin à la société du tous pour un dans laquelle vous, vos femmes et vos enfants travaillez pour nourrir des dirigeants qui une fois élus par des promesses retournent contempler leur propre réussite. Accepterez-vous encore longtemps que l'on vous prenne pour des vaches à lait? Accepterez-vous encore longtemps de graisser les épinards de vos élus avec l'huile de vos coudes? Combien d'entre nous en ont assez de courber l'échine et de n'être jamais entendus?

    L'éloquence a trop souvent fait force de loi et celà au détriment des réalités du peuple. Il est temps de changer tout ça, il est temps de prendre conscience que nous ne sommes pas seuls face au pouvoir, mais que nous SOMMES le pouvoir! Et par conséquent, nous avons TOUS notre mot à dire. Ce que je vous propose, c'est la société de tous pour tous dans laquelle chacun d'entre nous doit avoir sa juste place.

    Pour prendre votre avenir et celui de votre pays en main, pour mettre un véto définitif au régime de la DE-RES-PON-SA-BI-LI-SA-TION, vous n'avez qu'un geste à faire: dans un mois, votez pour VOUS!

    Votez pour moi, votez pour Vous!"


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    Le Génie


    A la première sortie à l'extérieur, je suis ébloui par un soleil démentiel qui s'affaire à rebondir sur tout ce qu'il y a à sa disposition. C'est un peu perturbant et en même temps très joli. En restant où je suis, je distingue les choses avec une précision qui confine à la perfection. D'ailleurs, il en va de même pour mon ouïe. J'entends tout ce qu'une oreille peut transmettre en terme d'oscillations et autres ondes sonores. Tout. Chaque seconde vécue est perçue avec une parfaite exactitude et stockée au détail près, et ce depuis ma plus tendre enfance.

    La puberté n'a fait que consacrer mes dons. J'analyse les données dans des délais imbattables, les adaptant aux critères de la sensibilité, ce qui fait de moi le plus jeune et le plus efficace des génies. A l'heure de mes premières étincelles, mes capacités cérébrales avaient été estimées comme étant les 70 pour-cent de ce qu'un cerveau humain peut faire, apprendre et comprendre et j'ai dû moi-même mettre au point les instruments de mesure de mon activité cérébrale actuelle qui ingère et dissèque le monde depuis dix-sept ans.

    Il est dix heures, vingt-quatre minutes et quelques secondes qui défilent doucement et je suis assis devant le moniteur qui va afficher les résultats. 100 pour-cent.

    Ses assistants le trouvèrent le lendemain, toujours assis devant l'écran, aussi inutile qu'une poubelle pleine.


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    Le Chercheur

    ou La Liberté des Elites Abstruses


    - Tout le monde compte sur vous professeur, vous devez réussir!

    - Pourquoi diable est-ce que ça ne marche pas? hurla-t-il. Voilà un an que je m'échine à prendre en compte tous les paramètres et malgré mes précautions, l'échec se répète encore et toujours!!

    - Avez-vous vérifié le confinement? proposa son assistante.

    - Bien entendu "Madame Einstein", tout est pesé, dosé, mesuré, les taux, les cotes, les températures, les coefficients et les concentrations!

    - Euh... J'ai bien réfléchi et je me suis dit qu'en milieu clos...

    - Quoi!? cracha-t-il l'air mauvais.

    - Oh, très bien. Je n'insisterai pas. Je voulais seulement vous aider, se vexa-t-elle.

    - Le chercheur, c'est moi! Si vous voulez m'aider, fermez-la, empotée!

    - D'accord, gémit la petite demoiselle rouge de colère contenue.

    Et elle abaissa le couvercle de la cuve expérimentale.

    - Mais qui est-ce qui m'a fichu une idiote pareille?

    - VOUS M'AVEZ DIT DE LA FERMER! cria-t-elle incertaine.

    - Pas l'expérience, votre intarissable... Ah, laissez tomber! ET PAS VOTRE EPROUVETTE!

    - Inutile de s'énerver, professeur, dit-elle.

    - Vous êtes payée pour assister, pas pour insister! Je n'ai...

    - Regardez...

    - ... pas besoin que vous veniez cuver votre bêtise dans mon laboratoire...

    - Regardez professeur...

    - ... j'en ai plein les flasques à gamètes de votre incompétence!

    - Professeur!

    - QUOI!?

    - Regardez la réaction!

    - QUOI LA REACTION?

    - Ca fonctionne!

    - Bien entendu, "ça fonctionne", vous attendez une médaille?

    - Mais...

    - "Mais", singea-t-il, si je veux obtenir des résultats, je fais ce qu'il faut, mademoiselle. J'aurais pu tenir encore deux ans avec ces recherches!


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    Les Extra-Terrestres Seront Nos Maîtres Ou Ne Seront Pas...


    - Alors professeur, vous êtes spécialiste en prospective inter-globale, n'est-ce pas?

    - C'est exact ma chère Erine.

    - Mais ce que se demandent sûrement nos téléspectateurs, c'est "qu'est-ce que la prospective inter-globale?".

    - Comme son nom l'indique, la prospective inter-globale est l'étude prévisionnelle des interactions spatio-temporelles entre notre civilisation et une hypothétique civilisation extra-terrestre. Pour faire simple, nous travaillons sur l'éventualité d'une "rencontre du troisième type".

    - En somme, si les extra-terrestres venaient à nous rendre une petite visite, c'est à vous que nous ferions appel? Vous seriez leur interlocuteur?

    - Et bien pas exactement. Les débuts de la prospective étaient marqués par une euphorie post-guerre mondiale assez prononcée, les sentiments étaient à la fraternité et à la reconstruction. Aujourd'hui, il semble que nous voyions un peu plus clair. La discipline s'est émancipée, s'est définie, nous travaillons en collaboration avec un a-philosophe, un cognitologue et un socio-biologiste.

    - Tout cela peut paraître très technique à tous nos téléspectateurs, pouvez vous expliquer un peu le rôle de chacun de ces intervenants?

    - Les a-philosophes, ou philosophes alpha, s'inscrivent dans le courant libre de la philosophie, ils tentent une appréhension du système-monde sans gnose ni éthique. Ensuite, les cognitologues sont des spécialistes de la cognition, leur sujet de recherche serait en quelque sorte le rapport de l'Homme à sa propre compréhension. Enfin, le socio-biologistes étudient la structuration des organismes quels qu'ils soient, des sociétés modernes aux molécules. Les innovations du philosophe alpha sont intégrées à des schèmes logiques d'innovations par le cognitologue, le socio-biologiste étudient la structure du groupe de prospective pour nuancer la portée du cognitologue et le philosophe alpha intègre les deux autres dans un système cohérent, chacun devant lui-même s'intégrer à ses propres conclusions. Ainsi, la portée de chacun est affaiblie et relativisée par la discipline des deux autres. Leur confort est assuré par le gouvernement pour ne leur laisser aucune préoccupation concrète. Ce sont tous les trois d'éminents spécialistes de leur discipline et leur orgueil est mis à mal par les deux autres. Ils ne peuvent faire de synthèse de leurs travaux sans un médiateur, c'est la seule façon d'obtenir des résultats qui ne soient teintés d'aucune ambition autre que théorique et logique.

    - Et vous semblez être ce médiateur?

    - En effet.

    - Mais alors, pouvez-vous nous dire quels sont les résultats actuels de votre "trio expérimental"?

    - Sachez que ça n'a rien d'expérimental! Mais pour répondre à votre question, je dirai que les extra-terrestres seront nos maîtres ou ne seront pas...

    - Pardon!?

    - Si jamais ce que nous appelons OVNI venait à se poser sur Terre, l'issue serait nécessairement l'asservissement de l'espèce humaine.

    - Ne pourraient-ils pas être infiniment plus sages et pacifiques?

    - Non.

    - Expliquez-vous, professeur, s'il vous plaît.

    - Eh bien, si nous partons d'un point de vue strictement évolutif, des extra-terrestres qui seraient une évolution de notre propre espèce, ce qui est statistiquement impossible, en viendraient tout simplement à nous utiliser comme nous utilisons les espèces dites "inférieures" sans que nous puissions communiquer avec eux. Une espèce supérieure n'aurait que faire de nous si ce n'est pour nous étudier, nous consommer, nous utiliser, voire nous apprivoiser.

    - Et dans un autre cas?

    - Nous avons étudié la possibilité que ces extra-terrestres soient pacifiques et doués d'une intelligence telle qu'elle permette la stabilité de leur écosystème.

    - Eux aussi feraient de nous des esclaves?

    - Non.

    - Alors pourquoi votre prophétie alarmante?

    - Madame, nous ne faisons ni prophétie, ni divination. Ce pourquoi les extra-terrestres seraient forcément nos maîtres est simple : une civilisation équilibrée et pacifique n'aurait aucun besoin de voyager dans l'espace et n'arriverait donc certainement jamais sur notre planète. Pour vous éviter d'autres idioties, je continuerai seul les explications. Il se peut toutefois que d'autres formes de vies voyagent à travers les mondes, pourtant il n'est absolument pas certain pour ne pas dire totalement improbable que nous comprenions leur intelligence. Les seules intelligences découvertes jusqu'alors ne l'ont été que par analogie, si une forme d'intelligence différente existait, nous passerions à côté sans même en avoir conscience, et peut-être même vivons nous déjà avec elle depuis des milliers d'années.

    - Vous voulez parler des femmes?

    - Pardon!?

    - C'est juste un peu d'humour pour réveiller l'audimat. Excusez-moi, professeur, continuez. Qu'entendez-vous par "intelligence par analogie"?

    - Je veux dire qu'une espèce est définie comme intelligente par rapport à des critères reconnus par l'Homme chez l'Homme.

    - Ce n'est pas très optimiste!

    - C'est une vision sans gnose ni éthique, remise en question par le cadre cognitif du philosophe alpha défini par le cognitologue et réintégré dans l'organisation logique de leurs interactions par le socio-biologiste. Enfin, la dernière possibilité serait qu'une espèce bien intentionnée prenne contact avec notre civilisation, que son langage et sa logique soient intelligibles et qui soit pleine de conseils et de sagesse.

    - Vous voyez bien! Et alors, avec eux, quoi?

    - La sagesse et les conseils, tout le monde s'en fout. On l'invoque pour accréditer son opinion, mais quand elle est là, on la vire à grands coups de pieds dans le cul. Ces extra-terrestres ne sauraient pas à quoi ils s'attaquent : je leur souhaite bonne chance! La paix, l'égalité, on n'en veut pas, on est tous trop paresseux ou trop égoïstes pour en avoir quelque chose à faire! Personne ne fait d'effort désintéressé. On ne veut qu'une paix par la victoire. En fait, ce qu'on veut, c'est la suprématie incontestée, à tous les niveaux. S'il n' y a pas de pouvoir supérieur pour nous arbitrer -un chef de famille, un maire, un président, un président de confédération, etc.- c'est le retour à la lutte sauvage, il suffit de lâcher un peu la bride pour s'en rendre compte. Dans le cas qui nous préoccupe, à savoir la rencontre avec une intelligence extra-terrestre "compatible", cela implique une espèce encore supérieure pour arbitrer nos relations, et donc qu'ils soient nos maîtres comme ceux de l'espèce pacifique en question et comme il y a peu de chance que ces "maîtres" se présentent de concert et conserve avec l'espèce pacifique, nous sommes donc arrivés à la conclusion que soit une guerre dévoilera la puissance de feu indissociable du progrès technique qui leur permet le voyage interstellaire, soit ils seront poliment reconduits à la porte du monde comme des témoins de Jéhovah.

    - Et bien, merci professeur pour votre intervention.

    - Mais ce fut un plaisir, ma chère. La science doit être partagée.

    - Je pense que nos téléspectateurs sont à la fois surpris et curieux de cette discipline que vous nous avez fait découvrir. Vos réactions au 555-6789 (33c/mn). La semaine prochaine, nous recevrons le docteur Rudolf Monomine, éminent procto-laryngologue pour notre sujet sur "une haleine de merde".


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    On Dîne


    - Et ta bicoque, elle en est où?

    - M'en parle pas, c'en est toujours au même point. Les mecs ont pas l'air de vouloir s'activer.

    - De toute façon dans le bâtiment, on est pas pressé, hein Dédé!?

    - En attendant, c'est pas avec tes dix-huit heures par semaine qu'on fait pousser les baraques.

    - Et tout le boulot à côté!

    - Ecoutez-le l'insurgé du Bounty, quel boulot à côté? Les fautes d'orthographe d'un gamin de dix ans, ça doit prendre du temps, non? Eh les gars, si on se cotisait pour lui offrir une semaine de vacances!!

    - Une semaine!? Mais il lui restera plus rien pour bosser!

    - Allez, ça va, arrêtez de le charrier. Tiens d'ailleurs, Charrier, t'en est où toi?

    - Je fais de la promo marketing pour une boîte connue.

    - Tu nous la joues énigmatique?

    - Non, en fait, c'est juste ce qu'on nous dit de dire quand la boîte est pas connue, ça augmente le prestige. Je vends des sous-bocks pour une bière d'abbaye dégueu.

    - Comment t'en est arrivé là? T'avais pas essayé de commercialiser ton invention à la noix?

    - Ben si, mais justement, ça s'est vu qu'elle était nulle ou c'était peut-être trop avant-gardiste...

    - Remarque, y a toujours des clients pour ce genre de gadget. Et puis c'est pas si bête!

    - C'est pour eux que j'essayais d'inventer des trucs à l'époque, tous ces gens qui changent d'adresse dès que la précédente est pleine de foutoir. Mais les industriels sont un peu trop timorés, c'est la crise...

    - Messieurs, le mot est lancé! C'est la crise! Et c'est sûrement pour ça qu'on voit pas tes côtes, gros lard?

    - Toujours aussi délicat, Gilles.

    - Dis la chochotte, tu vas pas me faire croire que t'es à plaindre!?

    - Pas moi en particulier...

    - C'est vrai qu'il ne faut pas oublier ceux qui souffrent...

    - Tiens, y se réveille l'abbé Pierre, paix à son âme!

    - En l'honneur de tous ceux qui souffrent, je savoure ce moment de retrouvailles et d'opulence. Messieurs, à la vôtre!

    - Tchin!

    - Santé!

    - Tchin!


    II


    - Qu'est-ce qu'il fout le cuistot? Ca fait vingt minutes qu'on a commandé! J'ai envie de le bouffer ce carpaccio de saumon!

    - Peut-être qu'il est en train de le pêcher...

    - Si faut attendre la marée basse, on est pas rendu!

    - Surtout que tu t'y connais en marée, non?

    - Je me demandais quand ça reviendrait dans la conversation. C'est joliment amené, chapeau mon grand.

    - Je disais pas ça pour te gêner. Mais visiblement c'est toujours pas passé. Désolé, vieux.

    - C'est pas grave. Chacun son histoire.

    - Oh lala! Du calme les gars! Toi, mollo sur les allusions, et toi tu nous la joues pas taciturne, on est là pour se marrer, les soirées lamentations, c'est pour les autres!

    - T'as raison. Qu'est-ce qu'on boit?

    - Enfin une parole sensée!

    - Un autre apéro? Toi? Charrier? Dédé?

    - Ok.

    - Ok!

    - C'est parti!

    - PATRON! Quatre pastis bien tassés avec des glaçons et des cacahuètes!

    - Et les entrées, si c'est possible!?

    - Un petit souci avec les bouchées à l'agneau, mais tout arrive dans deux minutes.



    III


    - Elles sont longues ses minutes. Y a un incendie dans sa cuisine ou quoi?

    - Il va falloir redemander du pain, à force de picorer, la panière est vide.

    - A ce train-là, on aurait mieux fait de se trouver une boulangerie!

    - C'est peut-être une technique pour mettre moins à bouffer dans les assiettes, t'attends que les gens soient pleins de mie, ils picolent un peu et quand ils sont bien gonflés, tu leur apportes un escargot super bien cuisiné et ils se barrent tout contents.

    - Géniale ton idée! On devrait lui suggérer.

    - Messieurs, voilà nos entrées!

    - Une bouchée à l'agneau?

    - Pour moi!

    - Un carpaccio de saumon?

    - Ici!

    - Une langue en gelée?

    - Berk...

    - C'est pour moi, s'il vous plaît.

    - Et une salade verte, pour Monsieur. Le vin arrive.


    - C'est tiède son truc.

    - C'est peut-être comme ça qu'il le prépare?

    - Ou alors son problème, c'est qu'il savait plus où il avait mis son four!

    - Hahaha.

    - Ca doit être ça, haha.

    - J'ai pas compris.

    - C'est rien, on t'expliquera quand tu seras plus grand.

    - J'en ai marre de rien comprendre à vos blagues!

    - Bon, tu veux être lourd, ok. Pour faire cuire ses trucs, il a besoin du four, ok?

    - Ok.

    - Il met ses trucs à cuire et il va faire autre chose, mais comme les bouchées de notre cher collègue ici présent sont tièdes, c'est peut-être qu'il a perdu le four.

    - Mais à ce moment-là, elles auraient brûlé!?

    - Quoi?

    - Si il oublie sa bouffe dans le four, ça brûle, non?

    - ...

    - Pour le coup, il a raison.

    - C'est vrai, ça. Pourquoi on a rigolé, c'était nase ta blague.

    - Parce qu'on est content de se voir, c'est l'intention qui compte, sinon on se marrait jamais. Vous êtes lourds les mecs. Et toi arrête de réfléchir un peu.

    - Ca va pas me retomber dessus quand même!?

    - Pleure-pas! C'est pas grave, c'est toi l'intello, on peut pas t'en vouloir d'être un peu lourd.

    - Je pense que ce serait le moment pour un bon verre de vin.

    - Quel vin?

    - Celui qu'on aurait dû avoir pour l'entrée!

    - Et qu'on a pas eu!

    - Peut-être qu'il a perdu sa cave.

    - Comment veux-tu qu'il... Ah, d'accord, comique de répétition! Bien, bien, et moi comme une âne je fonce. Tu vois quand tu veux!

    - Bon là évidement c'est pas drôle parce que tu répètes quelque chose de nul, mais sinon c'est comme ça que ça marche...

    - PATRON! LE VIN! Ca devient un peu chiant quand même.

    - Ca vient, ça vient.

    - On a fini les entrées depuis dix minutes, ça commence à faire un peu long.

    - Désolé, j'ai beaucoup de monde ce soir, et mon commis n'est pas venu.

    - Mouais... Fallait pas accepter tout le monde alors! On pourrait avoir la suite quand même? Oubliez le rouge, apportez le blanc pour les poissons, s'il vous plaît.

    - D'accord Monsieur.

    IV


    - Je sais même plus ce que j'ai commandé.

    - Ca va à la vitesse des plaques tectoniques ici. On aurait dû inviter Pierre.

    - J'ai oublié ce que je voulais vous dire. Il m'a perturbé l'autre avec ses prétextes.

    - Tu nous parlais de ta femme.

    - Me chauffe pas!

    - Quand est-ce que tu nous la présentes?

    - Bientôt.

    - Regardez-le qui rougit comme une pivoine.

    - ...

    - ...

    - On trinque?

    - A quoi?

    - A la paix dans le monde!

    - Trop ringard. Non, on pourrait trinquer à l'ouverture de la chasse!

    - Pourquoi, tu débloques?

    - Parce que si tous les restos font comme celui-là, on va bientôt avoir une invasion générale de tout ce qu'on aurait dû bouffer.

    - Ou alors, on pourrait boire au jour où tu arrêteras de dire des conneries?

    - Ca me va!

    - Moi aussi.

    - Alors "à la paix dans le monde"!

    - Amen!



    V


    - On pourra pas tout rattraper avec des verres dans le nez, elle est où la bouffe?

    - Y commence à me les chauffer ce cuistot de mes deux! Ca fait une heure et demi qu'on poireaute...

    - J'ai les crocs, putain!

    -...



    VI


    - ...

    - Si il est pas là dans cinq minutes, je me barre!

    - Calme-toi, s'il met longtemps, c'est qu'il doit en baver.

    - Messieurs, vos plats arrivent.

    - C'est pas trop tôt!

    - Je sais que vous avez attendu longtemps, pour me faire pardonner, j'offre le vin.

    - Quel vin?

    - Oh, pardon, je vous l'apporte tout de suite.

    - Y va encore s'enfermer dans sa cuisine pendant deux heures, j'commence à voir clair dans son jeu. Il doit regarder discrètement derrière la porte et quand on craque, il vient nous dire que ça arrive. Je crois qu'il y a pas plus de truite aux trois poivres que de cheveux sur la tête de Monsieur Propre.

    - Tiens le revoilà, celui-là!?

    - ...

    - ...

    - ...

    - A part ça, ça va?

    - Mon gamin fait des trucs pas mal à l'école. Il est doué le petit.

    - Remarque, il a papa derrière quand il comprend pas.

    - Non, non j'te jure, il se débrouille tout seul!

    - ...

    - ...

    - Et Marie?

    - Elle s'est acheté une nouvelle robe, elle est vraiment sexy dedans...

    - Elle est belle ta femme. On se demande pourquoi elle t'a choisi, d'ailleurs.

    - Tu l'as déjà faite celle-là...

    - ...

    - ...

    - Messieurs, truite aux deux poivres?

    - C'était pas trois poivres?

    - Je n'avais plus de poivre noir...

    - C'est bon, donnez.

    - Filet de bœuf paysan?

    - Là.

    - Daurade en maillot?

    - C'est pour lui.

    - Et rognons de raie, pour Monsieur.

    - C'est vraiment des rognons de raie?

    - Non, ce sont en fait des petits pâtés de raie à l'olive noire. Mais je les ai arrangés pour qu'ils ressemblent à des rognons.

    - D'accord.

    - ...

    - ...

    - Bon appétit, Messieurs.



    VI


    - C'est froid.

    - Moi aussi.

    - Dommage, c'était bon.

    - Et le vin?

    - Il a encore oublié.

    - C'est des belles retrouvailles! Merci l'Auberge du Pont!

    - On se voit une fois tous les ans, et on se retrouve chez ce peigne-cul!

    - Combien de temps pour avoir les desserts à votre avis?

    - Je dirais une bonne heure.

    - ...

    - ...

    - ...

    - Inutile de lui rappeler pour le vin?

    - Laisse tomber.

    - ...

    - ...

    - Faut que j'aille faire un tour, j'en ai marre.

    - Reviens, ça va venir.

    - Non, j'te jure, j'en ai marre d'être assis là.

    - Je voulais commander une glace, étant donné qu'il réussit pas mal les trucs froids mais si ça se trouve elle sera fondue.

    - Oublie-nous avec tes vannes, tu veux?

    - Je disais ça pour détendre l'atmosphère...

    - Ca marche pas, désolé, vieux.

    - J'aime pas trop le ton que tu prends!

    - Oh oh, du calme vous deux.

    - T'es toujours entre deux feux, tu voudrais pas te positionner un jour, ça te ferait du bien.

    - J'aime pas quand mes potes se disputent, c'est un problème.

    - Non, bien sûr que non, c'est jamais un problème!

    - Qu'est-ce que tu veux dire?

    - Allez, lâche-le un peu!

    - Non, non, je veux savoir!

    - Il y a peut-être des terrains à éviter...

    - C'est toi qui t'y colles maintenant?

    - Qu'est-ce que tu entends par "c'est jamais un problème"?

    - Perdre ton boulot, c'était pas un problème...

    - Et puis?

    - Et puis ton découvert c'était pas un problème et ta femme qui...

    - Quoi ma femme!?

    - Tu devrais t'en occuper un peu plus...

    - Continue...

    - Rien. Je dis juste qu'à force de t'en foutre, tout te passe sous le nez...

    - QUOI!?

    - C'est pas moi qui suis allé la chercher.

    - Vous êtes bourrés, vous dîtes n'importe quoi. On va commander les desserts.

    - Les quoi?

    - On est au resto, je vous le rappelle.

    - Un resto pareil, merci. On aurait mieux fait de se taper un fast-food. Peut-être que deux heures par an, c'est déjà trop pour rester cool.

    - Ta gueule. Tu te sentais trop coupable de pas la baiser!?

    - J'ai fait ce que t'aurais dû faire.

    - Je crois que je vais te...

    - STOP! Temps mort. Rassieds-toi!

    - Salut les gars, alors, dessert?... Oulà! Ca m'a l'air tendu comme ambiance! Le crumble est trop cuit?

    - Non, c'est seulement ton cousin qui nous expliquait comment il baise ma femme...

    - Ah... Bon, ben, tu es au courant maintenant.

    - Tout le monde était au courant?

    - Non, moi je savais pas.

    - Toi, tu sais jamais rien.

    - C'est pas le moment de s'en prendre à lui. Merci pour cette soirée. Ca fait plaisir de voir qu'on peut compter sur ses amis. Allez vous faire foutre! Allez tous vous faire foutre! Et vous et votre resto, vous aurez de mes nouvelles!

    - Tu le savais et tu m'as rien dit!

    - Pour que tu lui répètes?

    - Mais putain, pourquoi t'as fait ça?

    - J'ai merdé, je sais, mais sa femme, j'te jure, elle est magnifique. Elle était là, elle pleurait, et je venais de me faire larguer par Julie, j'ai joué les protecteurs et on s'est laissé avoir.

    - Alors pourquoi tu lui as dit comme ça!?

    - Parce qu'il me cassait les couilles à toujours essayer d'arrondir les angles.

    - C'était pas une raison. Si il y a bien un truc qu'on peut pas lui reprocher, c'est ça!

    - Bonjour l'ambiance... C'est ce resto... J'ai eu l'impression d'être pris en otage par son carpaccio!

    - On n'aurait du se barrer à la première impatience, comme dans le temps. Ca c'était responsable!

    - Aujourd'hui, on est tellement attaché à cette putain de bienséance qu'on s'est laissé noyer par de la bouffe, qu'est-ce qui cloche chez nous?

    - On est vraiment devenus cons alors!?...

    - Tu crois qu'il va m'en vouloir longtemps?

    - Il te rayera pas de sa vie pour un coup de bite, il vous aime trop tous les deux. Vas-y doucement, mais insiste un peu, il te mettra une bonne droite et puis vous irez boire un verre. Il est pas rancunier...

    - Tu crois?

    - Qu'est-ce que tu perds à essayer?

    - Ouais, t'as raison. Mais qu'est-ce qu'on fout encore là!? Allez, messieurs, dehors, en courant parce que j'ai peur que la note ne soit pas aussi longue à préparer... Dîtes merci au cuistot, manteaux et adieu!

    • ADIEU!!

    • MERCI!!

    • MANTEAU!!


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