• Ma vie avec toi**

    V

    Coraline emplissait ses vêtements jusqu'aux limites des fibres élastiques. Le bébé ne tarderait pas. Quelques semaines tout au plus. Des amies passaient la voir tous les jours après le travail pour prendre de ses nouvelles ou caresser son ventre un peu jalouses.
    La famille de Néméda ne voulait toujours rien savoir de cette histoire. Pourtant, elle allait être mère, un enfant allait sortir du vagin de sa compagne comme Néméda était sortie vingt cinq ans plus tôt de celui de sa mère. Peut-être ce bébé la ferait-il accepter de nouveau auprès de sa famille, peut-être l'instinct maternel reprendrait-il le dessus devant ce petit être fragile.

    En attendant, les moments d'intimité avec Nemeda se faisaient de plus en plus rares. Tout tournait autour du futur enfant, pour les autres, et aussi pour elles. Ces moments qui les faisaient s'aimer étaient un peu bâclés désormais, entre les aménagements et les visites importunes.
    Au bureau, le directeur de Coraline la trouvait de plus en plus désirable. Cette fille intelligente était plus magnifique encore toutes preuves de ses sentiments pour une autre dehors. Ce ventre rond qu'elle laissait gonfler en même temps que sa poitrine donnaient à sa candeur naturelle quelque chose de sensuel. Son bureau sentait les hormones, elle avait la sensibilité à fleur de peau et minaudait pour un rien.
    Un soir, le directeur lui demanda de rester une heure de plus pour travailler sur le projet dont il l'avait nommée responsable. Et ce qui devait arriver arriva, elle se jeta dans ses bras. Il firent un amour boulimique, tout ce qui se trouvait sur le bureau fut éjecté sur le sol durant l'étreinte.

    - Pourquoi tu as fait ça ?
    - Je ne pouvais pas m'arrêter. C'était comme répondre à un instinct. Tu m'en veux beaucoup ?
    - Je ne sais pas, Cora. Si je ne te suffis pas, est-ce qu'on a bien fait d'avoir un enfant toutes les deux ?
    - Tu te trompes, Nemeda. Tu es tout pour moi. C'est étrange cette période, mon corps est indépendant, j'ai l'impression de ne plus rien décider. Je te promets que je ne le ferai plus, je t'aime, je ne veux pas te perdre pour ça.-
    - En fait, je ne sais pas si je suis jalouse... Je sais que tu m'aimes. J'en suis sûre... Non, en fait, je ne veux pas que tu arrêtes, je veux que tu t'écoutes, que tu fasses ce dont tu as envie, notre enfant n'en sera que plus beau, même si c'est douloureux pour moi.
    - Tu crois vraiment?
    - Oui... Je ne vais pas souiller notre vie avec une jalousie médiocre...
    - Tu devrais m'embrasser maintenant !

    Le baiser fut long, câlin, érotique. La nuit tombait, elles tombèrent avec elle, nez contre nez, quatre mains sur le ventre de Coraline.


    VI

    Coraline avait quand même des remords, elle s'en voulait et elle évita de se retrouver seule avec son patron... le plus possible...


    VII

    - Dis-moi, c'était comment cette fois?
    - Arrête, ne me demande pas ça... soupira Coraline.
    - Je veux juste savoir.
    - Ca ne servira à rien! Ecoute Néméda, nous avions convenu de ne plus en parler, ne me fais pas ça!
    - Ne "ME" fais pas ça? Est-ce que tu te rends compte de ce que c'est de t'imaginer dans ses bras pendant que je suis ici à t'attendre?
    - Je... C'est toi qui m'a dit de m'écouter!
    - Mais quand je t'ai dit ça, je ne pensais pas que ce serait si difficile à accepter. Je voudrais que tu arrêtes de le voir.
    - C'est mon premier homme depuis toi tu sais?
    - Ah... Et c'est... bien?
    - Insuffisant... C'est lui qui me repousse au bout d'un moment. Je ne comprends pas, il ne m'attire pas vraiment et pourtant dès qu'il entre dans la pièce j'ai envie de le déshabiller, de faire l'amour avec lui et...
    - C'est bon, j'ai compris! coupa Nemeda.
    - Tu vois, je te fais du mal.
    - Ta façon de parler de lui te rend si exquise, quand tu rentres je n'ai plus que toi en tête, ta peau douce, caresser tes formes rondes toute la nuit, mais j'ai peur que tu n'en aies plus envie, que tu ne m'aimes plus...
    - Viens, ma chérie. J'ai besoin de tes caresses, plus encore après les siennes, pour avoir des caresses d'amour là où il a posé ses mains bestiales. Quand je suis avec lui, mon corps absorbe son énergie mais avec toi, je redeviens moi-même, je redeviens une femme aimée, une femme qui porte notre enfant. Caresse-moi autant que tu le voudras, je prendrai tout!
    VIII

    Le bébé était là, dans son landau. Il entendait sans comprendre les quelques mots soupirés par ses deux mamans. Elles ne se disputaient jamais. Coraline devait trouver un nouveau travail, son directeur n'acceptant pas un retour si soudain à l'amour chiral. Mais elle prenait son temps. Rien ne l'obligeait à se précipiter loin de son enfant, loin de Nemeda, surtout pas l'envie. Elles avaient quelques économies et Nemeda avait obtenu un mi-temps dans une blanchisserie.
    Elle trouvait la tâche un peu simple au début et craignait de s'ennuyer de ces tonnes de linges hebdomadaires, mais à la réflexion, les effluves discrètes des tissus propres, l'odeur enivrante de la lessive renouvelait chaque jour la fraîcheur de leur appartement.
    En fait toutes les deux s'abandonnaient. Pendant leur intimité, le bébé était un importun qui ne devait rien savoir de leur idylle et ce petit jeu pimentait leur amour d'un parfum d'interdit. Ensuite, le petit redevenait le ciment de leur vie ensemble, la preuve vivante de ce qu'elles avaient construit.


    IX

    Malgré ce bonheur, Néméda était parfois amère. Elle avait accepté beaucoup de choses pour cette relation et ce qui la faisait le plus souffrir était d'être reniée par sa famille. Le petit Julien, si mignon, n'avait servi à rien, pire même, elle l'avait utilisé comme un laissez-passer et sa mère l'avait renvoyé comme un prétexte supplémentaire. L'impasse...
    Coraline malgré ses airs un peu naïve ressentait bien la détresse de sa compagne et plus le temps passait plus elle sentait que Néméda donnait le change, se laissant peu à peu envahir par des pensées toxiques, alors elle décida de prendre les devants. Ce fut un mardi matin. Elle profita d'une absence de Néméda pour aller trouver sa mère chez elle...
    - Bonjour, madame Chevalier, je me présente Lucie Paulpeaute. Je représente la société Finesse&Tissus.
    - Et qu'est-ce que je peux faire pour vous?
    - Laissez-moi vous poser une question: depuis quand n'avez-vous pas renouveller votre lingerie?
    - Assez longtemps, pourquoi?
    - Je pense avoir pour vous quelques articles qui feront votre joie comme celle de votre mari!
    - Je doute que vos "articles" fassent disparaître la peau d'orange...
    - Madame, permettez-moi de vous dire que vous êtes encore ravissante!
    - "Encore"!? Vous n'êtes pas très adroite mais je suppose que vous devez faire vos preuves... Entrez donc.
    - Merci, madame.
    Elles s'assirent sur le canapé.
    - Alors, où sont donc ces dessous qui vont pimenter ma vie de couple?
    - Voilà, nous avons toute une gamme de culottes très appréciées par nos clientes mariées. Elles s'intègrent discrètement dans les rapports de confiance et réveillent en douceur l'envie de jouer, de flirter avec votre partenaire.
    -...
    - Nous avons également des dessous "olé-olé" pour les rendez-vous plus torrides...
    - ...
    - Page 24, nous avons ce magnifique porte-jartèles en lanières de cuir... Voulez-vous le voir porté?
    - Le voir porté?
    - Oui, on se rend toujours mieux compte lorsqu'on voit les articles sur quelqu'un.
    - Non, merci, je... enfin... si vous voulez.
    - Vous êtes très belle madame.
    - Merci, mais... dit-elle en bafouillant.
    - Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous mettre mal à l'aise. Je pensais simplement que ce porte-jartèles serait très bien sur vous, dit Coraline, reprenant un ton professionnel. Je pense que le cuir beige se marierait parfaitement avec votre teint de peau.
    A mesure qu'elle continuait son numéro de vendeuse, elle se déshabillait lentement en plein milieu du salon, se cachant à peine. Elle avait retrouvé ses formes fines et ses seins étaient gonflés de lait. Elle profitait de son semblant de streap-tease pour épier les réactions de madame Chevalier qui semblait troublée, regardant "Lucie" se déshabiller lentement puis baissant les yeux en cherchant à s'occuper.
    - Pourriez-vous vous tourner, demanda Coraline.
    - Me...? Ecoutez, je ne suis pas sûre de prendre quelque chose, vous savez...
    - Ca ne prendra qu'un instant, le temps d'enfiler ça... et... voilà!
    -...
    - Qu'en pensez-vous?
    - C'est très beau! répondit madame Chevalier fascinée. Vous êtes magnifique...
    - Merci, mais le porte-jartèles, est-ce qu'il vous plaît?
    - Le porte-jartèles? Oui oui, bien sûr. C'est de la très belle lingerie. Je vais réfléchir.
    - Voulez-vous toucher? Le cuir est assoupli pour ne provoquer aucune irritation...
    - Non, merci, je vous crois.
    - Si, si, je vous en prie, ne soyez pas gênée! C'est mon métier vous savez...
    Coraline prit la main de madame Chevalier pour l'amener à caresser le cuir et en même temps effleurer sa cuisse. Madame Chevalier parut plus destabilisée encore, elle se leva d'un bond et fit mine de regarder le prix sur le catalogue.
    - Que ce passe-t-il, madame Chevalier, le cuir est trop dur à votre goût? Nous pouvons demander qu'il soit assoupli davantage, si vous le désirez.
    - Non, ce n'est rien, mademoiselle.
    Coraline sentit que c'était le moment de passer à l'attaque.
    - Qui est cette jeune fille en photo?
    - Là? C'est ma fille... répondit-elle avec une vague tristesse dans le regard.
    Coraline prit alors ses yeux les plus pénètrants, pour appuyer tous les non-dits.
    - Et que fait-elle?
    En un regard, les deux femmes s'étaient comprises. Le visage de Coraline mêlait sévérité et compassion, celui de madame Chevalier était celui de quelqu'un qui s'apprête à faire face à des responsabilités fuies pendant trop longtemps.
    - C'est bête de reproduire ce qui vous a fait du mal...
    - Vous ne vous appelez pas vraiment Lucie, n'est-ce pas?
    - Pas vraiment.
    Sur quoi Coraline rangea ses affaires et partit.


    X

    Depuis lors, les deux jeunes femmes filèrent un amour total et fusionnel. Le petit Julien apprit à marcher, à bredouiller ses premiers mots. Pour la forme, elles lui apprirent même à dire "papa". Mais leur histoire était trop belle pour s'étioler avec les années, trop intense pour devenir médiocre. Quelque chose devrait conserver cet amour intact.


    XI

    Le jour de la saint Valentin approcha. Le vent frais de février soufflait dans leurs cheveux relâchés. Un léger soleil de fin d'après-midi faisait onduler l'horizon. Il y avait un peu trop de monde sur le chemin de leur promenade et Julien courait devant de sa course empotée. Il y avait là une bonne douzaine de couples enlacés s'offrant babioles et promesses, les joues rougies autant par l'émotion que par la température hivernale.
    Nemeda et Coraline suivaient Julien d'un air détaché, humant un peu de l'air qui prenait l'air en attendant de porter les insectes et les parfums de fleurs. Rien n'aurait pu troubler cet instant magique. Le soir même, elles étaient invitées chez les parents de Néméda pour que tout ce petit monde se rencontre, enfin... Et Julien rencontrerait pour la première fois ses grands-parents "maternels", les autres. A voir comme ça ce gamin pouffer sans arrêt, ses expressions innocentes, ses petites chaussures, Néméda pensait "qu'il voudrait peut-être une petite soeur". Elle était heureuse.

    Tout à coup, un jeune homme déguisé en Cupidon surgit de derrière un arbre. Le ridicule a parfois quelque chose de touchant! Il portait un petit arc, une culotte de coton qui imitait à la perfection un nuage et une chair de poule qui donnait froid par empathie. Il s'approcha d'un banc sur lequel une jeune fille était assise. Tous les promeneurs les regardèrent avec un sourire amusé, attendri et attendaient la suite... La jeune femme sur le banc ne savait plus où regarder tant elle était gênée. Cupidon s'approcha d'elle, en chargeant son arc d'une flèche qu'il avait recouverte d'un petit coeur rouge. Il lâcha la corde, s'agenouilla devant la jeune fille et posa son arc au sol pour plonger sa main dans le nuage avec l'air de se gratter les poils pubiens, mais il en ressortit quelques secondes plus tard avec un étui cubique, le fameux étui...
    La jeune femme baissa les yeux, rougit et les releva pour envoyer à son prétendant le regard le plus enflammé qu'il n'ait jamais vu. Si enflammé qu'il en perdit son élan et bafouilla quelques secondes avant d'arriver à parler normalement. Quand il eut retrouvé un peu d'assurance, il entonna sa déclaration... comme pour appeler l'assistance à son aide:

    - Deux ans déjà que nous nous sommes rencontrés. C'était dans le rayon des fruits et légumes d'un supermarché mais elle était si féérique que les fruits se sont mis à danser autour d'elle et depuis ce jour, les choses les plus simples deviennent magiques. Avec toi, rien ne me semble impossible... J'espère toujours te mériter parce que tu es la plus belle femme que j'ai jamais vue, la plus sincère et la plus drôle... alors si tu veux de moi au paradis, merveilleux ange de ma vie, si tu veux de mon amour, de ma dévotion, si tu veux de moi pour toujours...épouse-moi! Floriane, mon amour, veux-tu m'épouser?

    Notre Roméo acheva sa déclaration sous les yeux attendris des femmes et les toux maladroites de hommes. Ces phrases usées, ces mots ternis parfois par un besoin d'originalité retrouvaient tous leurs sens dans la bouche de cet amant transit. Il se raccrochait à ce discours répété cent fois pour laisser s'envoler ses sentiments vers la femme assise en face de lui qu'il regardait avec passion. Il avait accepté d'être ridicule, accepté d'être sans défense pour s'offrir à celle qu'il aimait devant tout le monde. Bien sûr, le clou de sa tirade était une question, une question à laquelle on répondait avec une exclamation! Il avait excité le romantisme de toutes les Valentine, toutes avaient envie d'y répondre encore, pour vivre ou revivre ce moment.
    Sous les applaudissements de l'auditoire, la jeune femme tendit alors sa main pour que le jeune homme y enfile la bague de leurs fiançailles...

    XII

    - Rentrons prendre un bon chocolat à la maison, Cora.
    - Si tu veux... Julien, viens ici mon chéri. Ils étaient mignons, non?
    - Très!
    Elle avait l'air essouflée mais Coraline n'y fit pas attention, mettant ça sur le compte du froid.
    - Quand est-ce que nous pourrons nous marier?
    - Mais nous sommes déjà mariées!
    - Légalement je veux dire.
    - Tu as eu la cérémonie, les bagues, les dragées, qu'est-ce que tu veux de plus?
    - Je veux que même les ordinateurs qui calculent nos impôts sachent que je t'aime!
    - Ah ah... Patience, patience...
    - Bon, qu'est-ce que tu fais, tu viens? Je te rappelle que c'est toi qui voulais rentrer!
    -J'arrive, j'arrive, j'ai juste un petit coup à vide.
    Coraline prit sa compagne par le bras et l'entraîna gaiement jusqu'à leur appartement.

    Une fois la porte refermée, Nemeda se dirigea vers un fauteuil et s'y écroula lourdement.
    - Tu peux demander à Julien de jouer dans sa chambre, j'aimerais qu'on soit un peu seules...
    - Et pour le chocolat?
    Elle jeta un regard inquiet cette fois à sa compagne qui respirait difficilement.
    - Julien, vas dans ta chambre, mon chéri, on viendra te voir dans cinq minutes.
    Néméda essayait de dire quelque chose.
    - Mon amour, souffla-t-elle.
    - Oui?
    - Je me demande si tu as vraiment besoin de moi pour élever Julien.
    Coraline ne comprit pas tout de suite. Elle s'accroupit à côté du fauteuil, les sourcils froncés.
    - Tu me fais encore une de tes dévalos d'avant? Qu'est-ce que tu veux dire?
    - Je me demandais juste si...
    - Tu veux me quitter? demanda-t-elle soudain inquiète.
    - Non, dit-elle en souriant malgré tout.
    - Mais alors quoi? Dis-moi ce qui t'arrive!?
    - Je vais devoir te laisser...
    - EXPLIQUE-TOI, NEMEDA!
    - Tout à l'heure dans le parc..., soupira-t-elle.
    - ...
    - Il n'a pas fait attention...
    - QUOI!? QUI!?
    - Cupidon, dit-elle en ouvrant sa veste dont l'intérieur était souillé de sang.
    - Mais qu'est-ce que c'est que ça?
    - La fin...
    - J'appelle les urgences, Néméda! Mais pourquoi, pourquoi est-ce que tu n'as rien dit!?
    - Parce qu'ils méritaient de commencer, tu comprends?
    - Mais c'est STUPIDE! explosa Coraline. Et où est ce téléphone sans fil?
    - Ne soit pas fâchée Cora, c'est une flèche qui m'a donné la vie, c'est une flèche qui me la reprend.
    - ...
    - C'est avec ça qu'on fait les belles histoires, non?
    - J'aurais préféré une histoire avec des fleurs ou des bonbons... Et Julien aussi...
    - Je sais que tu t'en occuperas pour deux. C'est toi la meilleure mère du monde.
    - Allo? Je suis Coraline Thème, 55 allée des daturas, deuxième étage gauche, venez vite, ma compagne fait une grave hémorragie... Dix minutes? Oui. Faîtes vite, je vous en supplie!
    - Tu es douce, sensible, belle... Excuse-moi, je vais arrêter avant que le départ ne soit trop insupportable...
    - Continue et ne pars pas! Parle-moi! Pourquoi est-ce que tu n'as rien dit, pourquoi!?
    - Ne me complique pas la tâche, Coraline, c'est la fin qui donne du panache et j'essaie de ne pas pleurer!
    - Rien à faire du panache! Je t'aime! Tu es la meilleure chose qui me soit arrivée!
    Une quinte de toux ensenglantée fit monter la tension.
    - Arrête, je vais finir par le croire... et puis ce serait, hum, hum, trop bête de finir dans l'eau de rose, pas vrai? dit-elle avec un clin d'oeil difficile.
    - Et alors!? Tous les autres pataugent dans la saumure! L'eau-de-rose je veux y rester, avec toi, en boire jusqu'à la noyade!
    - Tu es toujours la même, ma Cora...
    - ...
    - Le mieux que je puisse faire, c'est partir sur un sourire, dit-elle dans un dernier soupir..


    XIII

    Nemeda posa le stylo.
    Les deux jeunes filles se regardaient les yeux humectés de larmes. Elles étaient toujours assises sur le couvre-lit éclairé à la bougie. En bas la musique s'était endormie. Elles ne savaient pas combien de temps s'était écoulé depuis leur rencontre et pourtant elles avaient désormais une vie en commun. Une vie qu'elles ne pourraient jamais partager avec les autres, qu'elles garderaient enfouie en elles comme un trésor.

    Toutes les deux savaient que leur histoire ne pouvait être que définitive. Dans ce genre d'expérience, il n'y aucune place pour l'insouciance parce que leur amour n'avait pas le droit d'exister simplement, il devrait faire face à une société entière et aucune d'elles n'y était prête.

    Elles savaient ce qu'elles devaient faire, elles le savaient depuis le début... Elles tenaient toutes deux le manuscrit de leur histoire et l'approchèrent de la bougie.
    Les feuillets s'embrasèrent.
    Coraline et Néméda, immobiles, contemplèrent le feu qui réduisait en cendres ce qu'elles avaient vécu ensemble. Quand la dernière flamme s'éteignit sur le bout de leurs doigts, Coraline se leva, les yeux toujours brillants, et dit simplement "merci".
    C'était la première fois que Néméda entendait cette voix mais il lui semblait l'avoir toujours connue. Le jeune homme qui avait tenu la main de Coraline apparut tout à coup à la porte et la jeune fille poussa un petit cri de surprise...
    - Tu es là ?! Ca fait deux heures que je te cherche partout, j'étais inquiet, tu aurais pu me dire où tu allais! C'est qui ta copine ?
    Mais déjà, elles ne l'écoutaient plus. Coraline se retourna vers Nemeda et lui fit un petit signe de la main avant de s'en aller...


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