• Je suis dans la rue avec mon chat...

     

    Je suis dans la rue

    avec mon chat


    Je suis dans la rue avec mon chat. Il s'agit parfois d'un androgyne barbu à la barbe subtile. Il a les traits fins et prononcés, accentués par une peau tannée. Son menton prognathe et relevé souligne encore que son crâne est plat. Mais pour l'heure, c'est mon chat et il marche en zigzaguant entre les poubelles. On cherche un endroit pour dormir. Je me dis parfois que les borborygmes qui rythment notre progression sont les siens. En fait, j'ai faim et il en mange les restes. Nous arrivons dans le domaine de la nuit, il fait sombre et compte tenu de leur lumière spécifiques, on peut dire qu'il fait lampadaire. La porte vermoulue de la maison se trouve sur notre chemin. Au premier étage, il fait beau, et surtout, il fait jour, mais je ne le vois pas. La porte s'ouvre sur une caverne glauque, cloisonnée par quelques surfaces foncées. Peu après, les plans deviennent des cloisons et le vide, un espace entre des murs, il s'agit d'une maison avec des pièces. La pénombre laisse voir à mon chat les distinctions ténues entre les aménagements de vide. (Moi, je vois mon chat). La porte donne sur une vue. C'est une porte d'étable. Large. Cassée. Et mes premiers invités ne vont pas tarder.

    Ils entrent un par un et se dirigent dans les pièces sans faire de bruit, quelques hochements de tête tout au plus. La vigueur de leur corps fatigué les fait paraître nus. Ils sont maigres, très maigres comme une invitation à la mort. Et ils copulent dans une pièce floue. Leurs mouvements sont lents et fluides dans un air dense et velouté. Alors que leurs chairs grises s'entrechoquent, le candélabre entre un instant dans cet espace et colore la pénombre d'un lampadaire terne et heureux.

    Dans une autre pièce, ils sont assis au fond des fauteuils de cuir et se taisent avec stabilité, seul. En l'imaginant, cette pièce est seulement assez grande pour contenir un fauteuil sans une sortie. Et la pièce d'à-côté est une perversion.

    Il me semble qu'on frappe à la porte et la voisine, en chemisier blanc, articule ses mâchoires. Elle essaie de dire "qu'est-ce que c'est que ce silence?". Je ne sais pas quoi lui répondre. Elle doit venir d'en haut. Mon androgyne parle un tchèque caverneux. Je lui dis ce qu'elle doit croire entendre avec le tchèque de mon androgyne et très vite elle regrette de nous déranger disparaissant dans la rue qui va à l'étage.

    J'entends la lumière qui s'excuse peu à peu et quelque part derrière cet espace vide, les cadavres en smoking se pénètrent.

    Il exhale un peu de poussière qui flotte en suspension et reste s'asseoir sur le fauteuil. Il n'y a pas réellement de plafond. Le noir monte très haut. Il le sait et ses yeux se perdent dans le vide qu'il regarde devant. Il n'est plus là.

    Dans la pièce pervertie, les invités esquissent une moue indescriptible. La pénétration s'interrompt, le temps d'ouvrir les yeux, ils ne sont plus là. Sur la porte en partant, je trouve un billet vierge qui ne dit rien et la réalité qui m'absorbe.


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